L'année brouillard de Michelle Richmond

Nouvelle lecture dans le cadre du Prix des lectrices de ELLE 2010 avec cemois-ci dans la catégorie "roman", un livre assez haletant et bien écrit même si le thème de départ m'effrayait un peu car déjà beaucoup trop exploité ces dernières années.

Tout d’abord, le livre en lui-même interpelle le lecteur, tant par le choix du titre que par la mise en page : une couverture sobre et grenelée avec des couleurs très froides qui figurent une atmosphère pesante et mystérieuse, et au loin une petite fille que l’on distinguerait à peine si elle n’était pas vêtue de rose. Tout le roman tourne d’ailleurs autour de cette petite fille, Emma âgée de cinq ans qui, lors d’une promenade sur la plage avec sa belle-mère Abby échappe à la vigilance de cette dernière. Pourtant Abby, qui s’apprêtait à épouser le père d’Emma avait déjà adopté cette petite fille, en partie parce que la mère d’Emma est sortie de la vie de la petite depuis des années. C’est une histoire tragique et malheureusement affreusement banale qui nous est racontée, et pourtant elle bouleverse toujours autant car elle s’enracine dans nos peurs les plus universelles, celle de perdre du jour au lendemain un être cher, et plus particulièrement un enfant. Pourtant, ce roman évite bien des clichés en ne tombant pas tout d’abord dans le pathos mais en proposant plutôt une étude de caractère à la fois pudique et pleine de finesse. Entre Jake, le père d’Emma qui accable sourdement Abby sans oser formuler ses reproches mais qui choisit tout de même la résignation et Abby qui s’accroche malgré tout au fol espoir de retrouver Emma parce que son affection pour la petite dépasse presque celle qu’elle voue à Jake, le lecteur s’attache rapidement à ces personnages complexes et présentés dans leur humanité la plus profonde. De plus, le suspens est vraiment présent dans ce roman qui pourrait presque se lire comme un polar : les rebondissements sont nombreux et donnent à la dimension psychologique de ce roman un relief inédit encore enrichit par la réflexion très intéressante sur les mécanismes de la mémoire humaine. Avec ce roman, on s’interroge, on frémit, on espère aussi tout en étant transporté dans l’univers bouleversant et horrible de la culpabilité et de la perte possible d’un être cher. Le livre est assez long (500 pages) pour jouer avec nos nerfs et il nous tarde de savoir si Emma va être ou non retrouvée par sa mère d'adoption bien que l'on redoute aussi un happy end de guimauve, toutefois le dénouement est bien amené et ne déçoit pas le lecteur.

Une bonne découverte même si ce roman l'atout principal de ce roman est son suspens et non ses qualités littéraires!